vendredi 22 janvier 2010

CAN - Cabinda : Retour sur un guet-apens (Jeune Afrique)

Écrit par Christophe Boisbouvier et Alexis Billebault
Lundi, 18 Janvier 2010 15:24


La compétition tant attendue a débuté dans le sang et les larmes : deux morts, un blessé grave, et des joueurs togolais traumatisés. J.A. répond aux questions soulevées par cet attentat et évalue les responsabilités.

Que s’est-il passé à Cabinda ?
Vendredi 8 janvier. Les Éperviers, qui se préparaient à la compétition à Pointe-Noire, montent dans un bus. Direction Cabinda, moins de 150 km, dans une heure et demie ils devraient être à bon port. Un peu avant 15 heures, les deux véhicules (l’autre transporte le matériel) se présentent à la frontière où une imposante escorte militaire angolaise les attend. Certains joueurs, qui ne maîtrisent pas la réalité politique cabindaise, s’étonnent. D’autres mieux informés leur expliquent que l’endroit est réputé dangereux.
Quelques kilomètres plus tard, après moins de dix minutes en territoire angolais, les premières balles fusent. Les assaillants sont à une dizaine de mètres, de chaque côté de la route. Les joueurs, qui comprennent très vite la gravité de la situation, se jettent à terre. Certains prient, d’autres appellent leur famille, c’est la panique. Le chauffeur du bus qui transporte le gros de la délégation togolaise s’écroule, gravement touché. « Tout le monde criait, appelait sa mère, pleurait au téléphone, prononçait ses derniers mots en pensant qu’on allait mourir », a raconté Emmanuel Adebayor. Pendant près de trente interminables minutes, terroristes et militaires échangent des coups de feu. Un homme en uniforme monte dans le bus. « On ne savait pas si c’était un militaire ou un assaillant. Là, j’ai vraiment cru ma dernière heure arrivée », se souvient Hubert Velud, l’entraîneur.
Le soldat angolais parvient à faire redémarrer le véhicule et roule une dizaine de minutes jusqu’à un établissement hospitalier situé dans un village. Mais ici, on ne dispose pas des moyens humains et matériels pour soigner convenablement les blessés. Le bus repart alors vers l’hôpital de Cabinda, où certains joueurs, nerveusement éprouvés, craquent pendant que d’autres commencent à raconter le « guet-apens » dans lequel ils sont tombés. Déjà, le bilan est lourd. Deux joueurs, Serge Akakpo et Kodjovi Obilalé, gardien remplaçant, sont blessés. Le premier légèrement, le second plus gravement. Il va être rapidement transféré dans un hôpital de Johannesburg, en Afrique du Sud, et sera tiré d’affaire.
Les premières images de la télévision angolaise montrent des Togolais en pleurs et complètement hébétés dans la cour de l’hôpital de Cabinda, où le ballet des civières donne une idée de la gravité de la situation. Ils ne savent pas encore qu’Abalo Amelete, l’entraîneur adjoint, et Stanislas Ocloo, l’attaché de presse, ont perdu la vie lors de cette attaque. Neuf autres personnes ont été plus ou moins gravement touchées. Le soir même, les premières interrogations sur le déroulement de la CAN commencent à se poser. Ni la CAF (Confédération africaine de football) ni le gouvernement angolais ne pensent à mettre à la disposition des survivants une cellule de soutien psychologique. Le gouvernement de Lomé s’en chargera…

Qu’est-ce que le Flec ? Que veut-il ? Qui le dirige ?
Créé en 1963, à l’époque de la lutte contre les colons portugais, le Front de libération de l’État du Cabinda (Flec) se fonde aujourd’hui sur le traité de Simulambuco (1885) entre les rois du Portugal et du Cabinda pour affirmer que, historiquement et juridiquement, l’enclave du Cabinda aurait dû être reconnue comme un territoire indépendant lors du départ des Portugais en 1975. Étant donné la très forte concentration militaire sur le terrain – 30 000 soldats pour 300 000 habitants selon l’ONG Human Rights Watch, soit 1 militaire pour 10 civils –, il est évidemment difficile de connaître l’opinion des Cabindais. Mais vu que ce « Koweït de l’Afrique » fournit plus de la moitié des deux millions de barils par jour que produit l’Angola, il est certain que les Cabindais souhaitent au moins une plus grande autonomie de leur territoire afin de mieux profiter de ses richesses pétrolières. Parmi une myriade de tendances, le Flec-Fac (pour Forces armées cabindaises) est le mouvement séparatiste le plus structuré. Son président, Henriques Nzita Tiago, 82 ans, vit en exil en France mais garde le contact avec ses combattants. De bonne source, la lutte armée du Flec-Fac est menée sur le terrain par trois chefs militaires de région (Nord, Centre et Sud), et c’est l’un de ces trois commandants qui a conduit l’attaque du 8 janvier.

Pourquoi la CAF a-t-elle pris le risque de faire jouer des matchs à Cabinda ?
Quand l’Angola a annoncé que des matchs auraient lieu à Cabinda, la CAF n’a pas bronché. Elle ne pouvait pourtant pas ignorer que l’enclave reste une poche de résistance à l’autorité angolaise, où sévissent des mouvements indépendantistes plus ou moins actifs. La CAF, selon le secrétaire général du Flec-Fac, Rodrigues Mingas, avait « été avertie à plusieurs reprises que le territoire était en guerre. Elle avait tous les documents expliquant cela et n’a pas voulu tenir compte des avertissements. Elle doit en assumer la responsabilité. » Elle a sans doute trop fait confiance au gouvernement angolais.

Pourquoi le président angolais Dos Santos a-t-il pris le risque d’organiser des matchs au Cabinda ?
Après la signature en 2006 d’un accord politique avec la tendance Bento Bembe du Flec, le régime angolais a cherché à prouver que les séparatistes cabindais étaient très isolés et n’avaient plus les moyens d’agir sur le terrain. En janvier 2008, plusieurs matchs de la CAN de handball se sont joués à Cabinda sans le moindre incident. En septembre de la même année, les élections législatives se sont déroulées sans histoires, malgré les appels au boycott lancés par le Flec-Fac. Cette année, José Eduardo dos Santos a donc tenté la passe de trois… Raté.

Comment la CAF et son président, Issa Hayatou, ont-ils géré cette tragédie ?
Il aura fallu plusieurs heures à la CAF pour réagir au drame qui venait de frapper la délégation togolaise. Elle a d’abord laissé le Cocan (Comité organisateur de la CAN) évoquer sans rire l’explosion d’un pneu d’un des deux bus qui aurait provoqué un mouvement de panique… Et quand elle a enfin daigné s’exprimer, c’était pour rejeter la faute sur les Togolais, qui, selon elle, n’auraient pas informé les organisateurs de la compétition « qu’ils viendraient par la route ». Les Éperviers avaient choisi l’option routière pour rejoindre la ville hôte afin de s’épargner les fatigues d’un périple aérien Pointe-Noire/Brazzaville/Luanda/Cabinda estimé à six heures. « Nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé. Le règlement de la CAF prévoit des déplacements par air et non par bus. Le Togo était la seule équipe qui ne nous avait pas prévenus de son itinéraire. Il y a pourtant des statuts précis », avait expliqué Souleymane Habuba, porte-parole de la CAF, sans le moindre mot de compassion pour les victimes. Pourtant, l’explication fournie par la CAF ne tient pas, puisqu’une importante escorte de l’armée angolaise attendait les Togolais à la frontière, preuve que les autorités de Luanda avaient bien été informées de l’itinéraire choisi par les Éperviers. Quant à Issa Hayatou, le président de la CAF, il s’était d’abord réfugié derrière un silence inexplicable. Puis, après avoir reçu l’assurance du Premier ministre angolais que les mesures de sécurité allaient être renforcées et face à l’emballement médiatique, Hayatou décidait de prendre le lendemain de l’attaque le premier vol privé pour Cabinda, escorté de tout son entourage, pour enfin assurer aux Togolais qu’il compatissait à leur douleur. Mais pour le big boss du football africain, le saut de puce effectué dans l’enclave maudite fut aussi l’occasion de confirmer que la CAN aurait bien lieu et que les matchs programmés à Cabinda ne seraient pas délocalisés à Luanda, comme cela avait été évoqué. Le gouvernement angolais, droit dans ses bottes, n’a cessé de soutenir le choix de Cabinda. Malgré les morts, les blessés et le traumatisme vécu par les survivants.

La CAF a-t-elle reçu deux mois à l’avance des menaces du Flec, comme l’affirme le mouvement séparatiste ?
Oui. Comme le révèle Le Parisien du 13 janvier, la Fifa [Fédération internationale de football association] a reçu le 27 octobre une lettre de menaces de la part du Flec-Fac. Le 5 novembre, la Fifa a répondu au Flec-Fac : « Nous vous assurons qu’une copie est envoyée immédiatement à la CAF. » Autre indice accablant : le 6 janvier, deux jours avant l’attentat, la presse internationale a reçu par mail un communiqué du Flec-Fac qui « informe les frères africains de la CAN […] qu’ils sont les bienvenus ». Mais il leur est « interdit d’aller au-delà de la ville de Tchiowa » – « Tchiowa » étant le nom en langue ibinda de Cabinda, la capitale de l’enclave du même nom. En clair, les autorités angolaises et la CAF avaient connaissance des menaces, mais ne les ont pas prises au sérieux. Elles n’ont même pas averti les quatre équipes du groupe B (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo) de l’existence de ces menaces. Elles n’ont donc pas dissuadé l’équipe du Togo de venir par la route. Au contraire, elles l’ont accueillie à la frontière du Congo-Brazzaville et l’ont ensuite escortée.

Comment a été décidé le forfait des Éperviers ?
Pour les internationaux togolais, la première réaction fut de renoncer à disputer la CAN. « C’est normal de ne plus avoir la tête au foot après un tel drame », confirme Jean-Paul Abalo, l’ancien capitaine du Togo. Dans la foulée, le gouvernement de Lomé confirmait que la sélection devait rentrer à la maison. La CAF, toujours bien inspirée, rappelait aux Togolais qu’un forfait était passible d’une amende de 50 000 dollars et d’une suspension pour les deux prochaines éditions avant, dans un accès de lucidité, d’expliquer qu’il n’y aurait pas de sanctions. Puis, alors que les autorités togolaises avaient dépêché à Cabinda un avion privé pour rapatrier l’équipe nationale, les joueurs se sont ravisés. « Ils ont ensuite dit qu’ils voulaient jouer, et je ne sais pas pourquoi. Le choix du gouvernement était logique », reprend Abalo. Visiblement choqués par la décision des autres équipes du groupe de rester en Angola, les Togolais ont alors décidé de disputer malgré tout la CAN en « mémoire des combattants décédés », selon la formule d’Adebayor. À Lomé, le gouvernement est resté ferme sur sa décision. Selon certaines rumeurs impossibles à vérifier, de fortes pressions – agrémentées de propositions financières – auraient été exercées sur les Togolais afin qu’ils participent au tournoi, tour à tour par la CAF, les autorités angolaises et mêmes des émissaires sud-africains, inquiets pour la Coupe du monde que s’apprête à organiser la nation Arc-en-Ciel. L’hypothèse d’un retour des Éperviers à Cabinda après les trois jours de deuil national décrété par Lomé fut même envisagée, ce qui aurait entraîné la modification du calendrier. Mais la CAF, qui a affirmé n’avoir reçu aucune demande officielle de la Fédération togolaise de football, a entériné leur forfait le 11 janvier.

Quel est le rôle des pays voisins (Congo-Brazzaville et RD Congo) ?
L’attaque s’étant produite à vingt kilomètres de la frontière, il est possible que les assaillants se soient repliés au Congo-Brazzaville. Le président Sassou Nguesso a promis à l’Angola toute son aide pour les traquer. De son côté, le gouvernement de Joseph Kabila considère désormais le Flec comme « une organisation terroriste » et affirme que « ses membres ne pourront plus se prévaloir des privilèges accordés aux réfugiés ». Dans les années 1990, Mobutu Sese Seko et Pascal Lissouba ne cachaient pas leurs sympathies pour le Flec (et l’Unita de Jonas Savimbi). En 1997, ils ont été tous deux chassés du pouvoir par des rébellions soutenues par l’Angola. Depuis cette date, le triangle Luanda-Kinshasa-Brazzaville tient bon.

Comment les autres équipes ont-elles géré la crise ?
Les internationaux togolais avaient tenté de convaincre leurs homologues ivoiriens, burkinabè et ghanéens de déclarer forfait. Les coéquipiers de Didier Drogba étaient prêts à partir avant d’être rattrapés par la « realpolitik » et les liens qui unissent Laurent Gbagbo et José Eduardo dos Santos. Vahid Halilhodzic, le sélectionneur bosniaque des Éléphants ivoiriens, n’était personnellement pas favorable à un forfait. Drogba, très proche d’Adebayor, ne partageait pas vraiment cet avis. Mais comme ses coéquipiers, l’attaquant de Chelsea s’est soumis à la volonté de l’homme fort d’Abidjan, qui n’a jamais eu à se plaindre du soutien de son homologue angolais. Le président de la République du Ghana, John Evans Atta-Mills, a quant à lui exigé un renforcement des mesures de sécurité. Il a été entendu, puisque des renforts militaires et policiers ont été envoyés à Cabinda, survolée depuis par les hélicoptères de l’armée angolaise. Mais cela n’a pas empêché les Burkinabè de demander à être rapatriés sur Luanda « le plus vite possible », une fois leurs matchs terminés…

Y a-t-il des risques pour la suite de la compétition ?
A priori, non. Le Flec-Fac a décrété une trêve jusqu’à la fin du tournoi. Surtout, cet attentat renforce la pression des autorités des deux Congos voisins sur les réfugiés cabindais. Or plusieurs maquisards du Flec-Fac ont de la famille parmi ces réfugiés.

Quelles conséquences pour l’Afrique du Sud ?
À cinq mois de la Coupe du monde qu’organisera l’Afrique du Sud, la nation la plus riche du continent se serait bien passée de cette contre-publicité. Car même s’il n’est pas concerné par le terrorisme, le pays est connu pour sa violence endémique. L’Afrique du Sud pointe dans le Top 5 des pays les plus criminogènes de la planète. Pour rassurer l’opinion publique internationale et les 400 000 étrangers attendus pour l’occasion, Pretoria, qui se dit confiant, a beaucoup investi dans la sécurité en misant sur un dispositif matériel et humain renforcé. La Fifa, qui ne serait pas aussi rassurée qu’elle veut bien le faire croire, a confirmé son soutien à l’Afrique en général et à la nation Arc-en-Ciel en particulier. Danny Jordaan, le président du comité d’organisation sud-africain, a lui flingué l’Angola en accusant l’ancienne colonie portugaise d’être largement responsable du drame vécu par les Togolais. La réplique de Luanda, en cas d’incidents graves pendant la Coupe du monde, est déjà prête…

Mis à jour ( Vendredi, 22 Janvier 2010 11:12 ) Jeune Afrique

lundi 18 janvier 2010

Pragmatisme chinois au Congo-Kinshasa

(Le Temps.ch 18/01/2010)

Pékin revendique sa façon d’aider Kinshasa en investissant des millions dans des chantiers pharaoniques. La population congolaise semble apprécier. Le FMI désapprouve le recours à l’endettement du pays

Ce jour-là, la clé du salon de réception de l’ambassade de Chine était égarée. Sans protocole, l’entretien avec Shi Shu Xinhua s’est donc déroulé dans le hall d’entrée. Ancien de l’Ecole nationale d’administration à Paris, l’ambassadeur s’exprime dans un français impeccable et surtout, il ignore la langue de bois. Pour lui, admonester publiquement les autorités congolaises, «cela ne sert à rien, sauf à fâcher inutilement, à faire perdre la face. De toute façon, ce qu’il faut dans ce pays, c’est renforcer l’Etat, le rendre plus efficace. Mieux vaut souligner les aspects positifs et accompagner nos amis là où ils en ont besoin.»

L’argent a manqué

Lucide, le diplomate ne cache cependant pas certaines déceptions: «Nous avons amené le câble à fibre optique de Matadi (ndlr: à environ 250 km à l’est de la capitale) jusqu’à Kinshasa, les travaux sont terminés mais… rien ne s’est passé. L’Office des Postes aurait pu gagner un milliard de dollars par an en faisant payer les opérateurs de téléphone, mais tout est toujours bloqué, l’argent part dans le privé.» Sur le boulevard du 30 juin, les travaux ont repris, camions et bennes ronronnent jour et nuit. L’ambassadeur voit là un exemple du pragmatisme de ses compatriotes: «Au départ, le gouverneur de Kinshasa avait entamé ces travaux sur fonds propres, nous n’y étions pas impliqués. Puis on nous a demandé un coup de main pour la pose de canalisations, afin d’éviter les inondations. Après avoir commencé, l’argent a manqué, tout a été stoppé. La population était mécontente. J’ai demandé au Ministère chinois de la coopération de financer les travaux pour qu’ils soient terminés d’ici juin. Désormais, tout est réglé.»

Pourquoi tant de bonne volonté? «Nous savions que c’était important pour les autorités congolaises et, si les travaux s’étaient arrêtés, nous aurions été mis en cause.» Xu, un jeune interprète de la Chinese Railway Corporation, la troisième entreprise de travaux publics du monde, voit les choses autrement: «Les Congolais nous ont piégés. Dès que nous avions commencé, nous ne pouvions plus nous retirer, il en allait de notre réputation. Et l’ambassadeur a dû trouver les moyens.»

Malentendu avec le FMI

C’est que le diplomate ne manque pas de volontarisme, il suit pas à pas la progression des chantiers, qui représentent déjà 400 millions de dollars d’investissements. Face au FMI, qui s’est longtemps opposé aux contrats chinois, redoutant un nouvel endettement du pays, Chinois et Congolais ont-ils lâché du lest? L’ambassadeur minimise, évoque un malentendu: «Les montants que nous prêtons sont garantis par la teneur des gisements miniers et, ayant réalisé des études préalables, nous connaissons leurs potentiels. La garantie de l’Etat n’était qu’une exigence de principe, mais nous ne pouvions pas céder. Et le Congo ne voulait évidemment pas renoncer aux travaux d’infrastructures. A cause des exigences du FMI, tout a été bloqué, l’effacement de la dette du Congo a été retardé d’un an et demi. Finalement nous avons trouvé un compromis où la garantie de l’Etat ne portera que sur les travaux actuels, pas sur la partie minière.»

«En fait, poursuit le diplomate, le malentendu vient de la différence de nos méthodes de travail: alors que le FMI et la Banque mondiale travaillent sur des montants fixés une fois pour toutes, nous les Chinois, nous sommes pragmatiques. Nous tenons une comptabilité au jour le jour des travaux que nous réalisons. En effet, ce qu’ils coûtent aujourd’hui n’est pas le prix qu’ils représenteront demain.» Mais pour le diplomate, les chiffres importent peu. «Ce qui compte c’est d’avancer, de réaliser des routes, des écoles, des hôpitaux. Ce pays a besoin de tout, tout est urgent et nous avons décidé de l’aider.»

Ce volontarisme convient bien aux riverains du fleuve Congo, du côté des rapides de Kinsuka, non loin de la capitale Kinshasa. Depuis longtemps, à chaque saison des pluies, la circulation s’interrompait sur la route touristique qui court le long de l’eau et des maisons plongeaient dans le fleuve. Des travaux pharaoniques ont été réalisés. Tout le versant de la colline, traversé de sources, a été drainé. D’immenses terrasses de moellons dominent le fleuve et la route, coupées par des escaliers. Plus loin, la route a été élargie. Ici, les gens saluent les contremaîtres chinois avec reconnaissance. Xu admet cependant que «ce n’est pas toujours facile avec la population locale, au début on avait l’impression qu’elle se méfiait de nous. Aujourd’hui, cela s’améliore.»

Joseph Kabila vérifie

L’interprète est encouragé par le fait qu’à plusieurs reprises, conduisant sa jeep et méconnaissable sous sa casquette, le président Joseph Kabila est venu vérifier l’état d’avancement du chantier. En haut de la route, les Chinois ont établi leur «base de vie»: un laboratoire où est étudiée la composition des sols et des revêtements, un immense parc de véhicules d’un côté, des containers rangés en carrés de l’autre, petits parallélépipèdes gris dans lesquels ces hommes seuls rentrent le soir, se délassant devant des vidéos. Sur un long mur chaulé, une main a tracé en lettres bleues «Vive l’amitié entre les peuples chinois et congolais.»


Colette Braeckman Kinshasa

lundi18 janvier 2010

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