mercredi 8 juillet 2009

Hommage à «Ya Jeannot» Bemba

(Par Honoré Ngbanda Nzambo Ko Atumba)

Ce soir lugubre et sans étoile, quand ton téléphone a longuement sonné sans suite, j’avais naturellement cru que tu étais pris dans l’une de tes fréquentes séances de travail ou d’entretien familial, et que tu me rappellerais aussitôt après. Comme tu en avais l’habitude. Oui ! Je te croyais naturellement occupé car toute ta vie durant, tu l’as entièrement consacrée aux autres : tu as chaque fois ouvert tes portes aux nombreux amis et collègues qui venaient régulièrement solliciter tes conseils ou ton assistance ; tu as consacré tes journées et tes soirées aux enfants, petits enfants, cousins, oncles et tantes dont tu portais fièrement la charge comme un grand manguier au milieu du village ; tu as toujours prêté tes oreilles et tendu tes bras aux membres du vaste clan régional dont tu étais le patriarche infatigable et toujours disponible; tu as constamment ouvert tes bras aux congolais de toutes les couches et de toutes les régions qui, indistinctement et affectueusement, t’appelaient «Frère Jeannot», «Papa Jeannot» ou «Vieux Jeannot», c’est selon.

Mais ce soir-là, contrairement à tes habitudes, tu ne m’as pas rappelé. Je tenais pourtant à avoir de tes nouvelles car tu m’avais dit la veille, le jour de ton départ pour l’Europe, que tu montais à Bruxelles voir ton médecin pour faire ton bilan de santé. Et lorsque j’appris tard dans la nuit la nouvelle de ta mort inopinée, le temps s’est brutalement arrêté autour de moi. Un vide énorme s’est brusquement créé dans mon esprit: le grand baobab venait subitement de disparaître, sans avoir fané, laissant la vaste cour des sages de l’Ubangui sans ombrage pour tenir leurs conciliabules! Le papy, le papa, le yaya, le frère, l’ami et le vieux… venait de tirer sa révérence. Sans prévenir personne!

Il y a des moments dans la vie d’un homme et devant certaines circonstances, où les mots perdent totalement leur pouvoir de traduire fidèlement les sentiments les plus profonds de l’âme. C’est mon cas en ce moment.

«Ya Jeannot», c’est ainsi que je t’ai toujours appelé, au-delà des défauts et des imperfections inhérentes à la nature humaine, je t’ai personnellement considéré comme un cas d’école pour la jeunesse congolaise. La Rochefoucauld a d’ailleurs dit avec raison dans ses « Maximes »: « Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas autant de plaisir à en remarquer chez les autres ». Tu as défié les préjugés intellectuels par ton courage et par ton travail. Tu as forgé ton destin et brisé les barrières des idées toutes faites pour te hisser au rang des hommes d’affaires et des leaders politiques respectés, à cause de la force et des valeurs de ta propre personnalité . Tu as démystifié la légende de la fatalité du tribalisme et du régionalisme, en brisant par ton ouverture d’esprit les carcans des barrières et des préjugés linguistiques, tribaux et régionaux, et en te fondant comme du sel dans toutes les couches de la mosaïque des cultures sociales et religieuses de notre vaste et beau pays. Sans distinction ni réserve.

Je sais combien la pénible situation que traverse aujourd’hui ton fils Jean-Pierre Bemba a sensiblement affecté ta santé. Plus d’une fois, nous avons partagé ta douleur et ta colère face à l’acharnement et à l’injustice dont il est victime de la part de la CPI , avec la complicité active du pouvoir d’occupation en place à Kinshasa. Nous savions que tout cela n’était que le prolongement et la ramification du vaste complot international dont est encore victime notre pays la République démocratique du Congo.

Ton brusque départ est une épreuve supplémentaire pour tes proches qui avait encore besoin de ton soutien ô combien précieux ! Et en ce moment particulièrement douloureux, je tiens à leur faire part de ma sympathie et de ma solidarité. Que tout l’amour que tu leur as manifesté tout au long de ta vie leur donne la force de surmonter ces moments d'épreuves difficiles.Mes pensées vont particulièrement à ton épouse et à ton fils, le sénateur Jean-Pierre Bemba à qui je présente mes condoléances les plus attristées.

Puisse la jeunesse congolaise, puiser dans la source de l’exemple de ton courage, de ton patriotisme et de ton altruisme, suffisamment de réserves pour poursuivre le combat de la libération et de la construction de notre beau et grand pays.

Puisse l’Eternel Dieu Tout Puissant t’accueillir dans son amour et sa miséricorde, et te récompenser pour tes nombreux bienfaits à l’égard de tes semblables pendant ton passage sur cette terre des hommes.

Adieu « Ya Jeannot » !

Paris, le 8 juillet 2009

Honoré Ngbanda-Nzambo ko Atumba

Président national de l’APARECO


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